Garder la motivation malgré les attaques du loup
À 40 ans, après vingt ans en Gaec, Julien Fuet s’est réinstallé seul à Flagy, dans la Saône-et-Loire. Depuis trois ans, le système ovin herbager qu’il a mis en place est menacé par l’arrivée du prédateur.
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Après vingt ans de Gaec avec son père et son frère sur une exploitation bovine et ovine, Julien Fuet s’est réinstallé seul il y a cinq ans. Toujours passionné par le métier, il a repris à 40 ans une ferme ovine à Flagy, près de Cluny, en Saône-et-Loire. Depuis la fin de l’année 2018, il a développé un système basé sur la valorisation de l’herbe et l’élevage en plein air.
De 1 200 à 1 400 bêtes au pré
Les deux tiers du troupeau, soit 1 200 à 1 400 bêtes, sont en permanence à l’extérieur. Les brebis ne sont rentrées que pour l’agnelage, au nombre de quatre par an. Elles ressortent quinze jours plus tard avec leurs agneaux, à l’exception du lot qui agnèle en fin d’année. Ce modèle, techniquement et écologiquement vertueux, évite de réinvestir dans un nouveau bâtiment.
C’était sans compter sur le loup. Du 1er mai au 8 juin 2021, le troupeau de Julien a été attaqué à huit reprises. « Dans le premier lot prédaté, j’ai retrouvé quatre agneaux au tapis, dont un coupé en deux, un sans épaule, explique le jeune éleveur. Leurs poumons avaient été littéralement broyés. C’est une douleur difficilement explicable avec des mots. Tant qu’on n’est pas confronté soi-même au prédateur, on ne se rend pas compte. Il faut se retrouver auprès des brebis éventrées, aux mamelles déchiquetées, avec ses deux agneaux encore vivants à côté, pour saisir le degré de souffrance animale. »
Une situation d’autant plus douloureuse qu’elle dure, avec le sentiment d’être impuissant face à des agents de l’OFB (Office français de la biodiversité) qui, à l’époque, traînaient des pieds pour reconnaître la responsabilité du prédateur. Trois semaines avaient été nécessaires à l’Administration pour activer l’autorisation de tir de défense et le prélèvement du loup.
Une centaine d’ovins prédatés
Sur la ferme, le prédateur a laissé un lourd bilan en 2021 : 100 agneaux et brebis tuées ou euthanasiées en un mois et deux jours, soit 20 % du cheptel reproducteur. « Si les attaques avaient perduré dix mois comme dans le Charolais l’année précédente, je ne suis pas sûr que je serais encore éleveur aujourd’hui, estime Julien. Psychologiquement et économiquement, il est impossible de tenir. On ne fait que du court terme pour pallier l’urgence. »
En mai 2021, l’éleveur a ainsi consacré 170 heures à la paperasse et au travail supplémentaire nécessité par la protection du troupeau : parquer les animaux la nuit, les déparquer le matin, mettre et déplacer les filets, assister aux réunions d’information relatives aux protocoles, remplir les demandes d’autorisation de tir du loup et les carnets de présence des louvetiers, etc.
Moyens de protection insuffisants
Parallèlement, il fallait continuer à faire tourner sa ferme pour rembourser les investissements. « Jeune installé, je suis obligé de rester sur une dynamique de productivité. Je n’ai pas le choix. Repousser les échéances bancaires n’est pas une solution quand on n’a pas de visibilité sur l’avenir du troupeau. »
Comme il l’a dit au ministre de l’Agriculture en juin 2023 à Cluny, Julien Fuet ne milite pas pour l’éradication du loup. Mais il en veut à la société et à l’Administration de lui livrer les éleveurs en pâture, sans leur donner vraiment les moyens de protéger leurs bêtes et leur outil de travail.
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